confinement obsessionnel #9

Der Mann ohne Eigenschaften, Robert Musil, première édition : 1943

Ajoutons que le plus heureux des modeleurs politiques de la réalité, hors de touts grandes exceptions, ont beaucoup de traits communs avec les auteurs de pièces à succès ; les intrigues vivantes qu’ils suscitent ennuient par leur manque d’intelligence et de nouveauté, mais, pour cette raison même nous plongent dans un état d’hébétude sans défense où nous nous accommodons de n’importe quoi, pourvu que cela nous change. Ainsi comprise, l’histoire naît de la routine des idées, de ce qu’il y a de plus indifférent en elles ; quant à la réalité, elle naît principalement de ce que l’on ne fait rien pour les idées.
Toutes ces considérations, affirma Ulrich, pouvaient se résumer ainsi : nous nous soucions trop peu de ce qui arrive, et beaucoup de trop de savoir quand, où et à qui c’est arrivé, de telle sorte que nous donnons de l’importance non pas à l’esprit des évènements, mais à leur fable, non pas à l’accession à une nouvelle vie, mais à la répartition de l’ancienne, reproduisant ainsi trait pour trait la différence qui existe entre les bonnes pièces et celles qui ont simplement réussi. La conclusion était qu’il fallait faire juste le contraire, c’est-à-dire, d’abord, renoncer à son avidité personnelle pour les évènements. Il fallait considérer ceux-ci un peu moins comme quelque chose de personnel et de concret et un peu plus comme quelque chose de général et d’abstrait, ou encore avec le même détachement que si ces évènements étaient peints ou chantés. Il fallait non pas les ramener à soi, mais les diriger vers l’extérieur et vers le haut. Ces remarques valaient pour l’individu ; mais dans la collectivité aussi devait se produire quelque chose qu’Ulrich ne pouvait exactement définir, et qu’il comparait à une sorte de pressurage, suivi d’encavage et d’épaississement de la liqueur intellectuelle, à défaut de quoi l’individu ne pourrait évidemment que se sentir tout à fait impuissant et livré à son bon plaisir. Pendant qu’il parlait ainsi, il se souvint de l’instant où il avait dit à Diotime qu’on devait abolir la réalité.

Confinement obsessionnel #7

La réalité, n’est-ce pas tout ce qu’on ignore ?

À peine ses yeux ne sont-ils plus collants que son cerveau lui demande des explications

Treize jours. « déjà ! » ?

…il y a encore au moins six semaines à tenir

« encore » !

Pourquoi sa première pensée n’est-elle pas son actualisation pôle-emploi ?

être une bonne fifille : payer son loyer, remplir ses placards de nourriture saine

Pourquoi allumer son ordi quand le café n’a pas été avalé et digéré ?

Tu commences à déconner grave.

Alors ?

Tu t’abandonnes. Tu cries de plaisir. Tu entends tes voisins rougir.

Pourquoi vérifier l’existence d’une adresse mail ?

Tu sais comment cela se terminera.

Alors ?

Sois patiente, tu sais que ce sont tes névroses qui motivent ton désir.

…Agnès…

Dans le confinement obsessionnel ce sont les mains qui reviennent

chaque image / pause / capture d’écran 

:: toutes ces mains longues et fines

souvent féminines

L’araignée.

Qu’en est-il de cette douche chaude ; de ce savon ambré ; de ce peignoir épais et réconfortant ; de cette crème à l’odeur rassurante ; de ces tissus si doux ; de ce manteau chaud ?

Où sont ton masque, tes gants, ton autorisation de sortie et tes clefs ?

Ce sera chips au wasabi, betteraves et paille d’or framboise./

confinement obsessionnel #5

Écrire : j’insère les mots dans les espaces vides : vide et espace

Faiblesse : qu’il y ait nécessairement cette odeur entre moi et le monde ; que j’en ai besoin ; un besoin « fou »

Au lieu d’« illusion » dis aussi « parfum »

Amour : faire quelque chose d’aimable ; l’amour sans les actes n’existe pas

L’écriture et la lecture me (et vous) secouent, me donnent das bras et des jambes

Je vis tout ce que les autres ne savent pas de moi

Tranquillité signifie aussi : être à ce qu’on fait ; et ne plus être intranquille dans la solitude, enfin

La sagesse qui suit chaque angoisse de mort n’est d’aucune utilité pour l’angoisse de mort suivante

Vie de poète : sauvegarder l’urgence

La puissance du désespoir : chercher des yeux

La mélancolie n’est peut-être qu’une ardeur renversée

Il faut toujours que je joue la comédie pour apparaître tel que je suis

Pour peu qu’une personne t’ait pris pour cible, si infondés que soient ses griefs, tu ne tarderas pas à lui donner toutes les raisons de t’attaquer. Loi de la nature ?

La vie des ombres aujourd’hui : devant la télévision

Tout aussi difficile à dire que « Je t’aime » :  « Je ne t’aime pas » ; c’est aussi un évènement

Un artiste, jamais au grand jamais, n’est « distrayant »

Pour un autre ami l’absence c’est : « Être allongé tout habillé sur un lit au matin ou au soir avec le sentiment d’attendre quelqu’un alors qu’on attend personne »

Comme voir est difficile. Et il n’y a pas d’école du regard ; on ne peut que l’apprendre soi-même, chaque jour à nouveau. Mais alors dans la contemplation, même le noir des feuilles mortes maintenant a une lueur

Le vulgaire, si toutefois il s’ingénie à être moins évidemment vulgaire, devient incompréhensible

Chaque « Connais-toi toi-même » s’achève nécessairement dans l’effroi? Chez moi en tout cas?

L’INTERVALLE d’existence: celui qui court à ma fenêtre, ici, à la cime des arbres, là-bas, le vivre, dans le tressautement et les mouvements vifs des rameaux sous les bonds et les fulgurances de petits et des grands oiseaux du matin