confinement obsessionnel #13

R. W. FASSBINDER

seule, fantôme orpheline de naissance, j’arpentais les rayonnages de la toute nouvelle médiathèque d’une petite ville de province; laquelle n’était pas sans me rappeler « Der Himmel über Berlin » par l’immensité de l’espace. /par souci de juste répartition, je remontais la liste des noms tantôt par A tantôt par Z. /un après-midi ensoleillé, tandis que je franchissais le seuil de la lettre F mes yeux furent attirés par un rayonnage entier lequel n’en finissait pas!, me sembla-t-il à l’époque : j’étais là devant ce nom inconnu précédé de deux initiales : R. W. FASSBINDER

comment choisir? il n’y a pas de résumé en quatrième de couverture…

R. W. FASSBINDER lorsqu’il s’agit de théâtre filmé s’amuse à confondre les décors et les actrices; pas pour le mystère je présume mais parce que l’être humain a développé quelque habilité à la dissimulation

Cioran a écrit, très justement, à mon avis :  » Mystère. – mot dont nous nous servons pour tromper les autres, pour leur faire croire que nous sommes plus profonds qu’eux »

c’est pourquoi son parti pris contre une société masculine dominante (à différencier d’un parti pris pour les femmes dont nous ne pouvons que convenir qu’elle appartiennent également au genre humain avec les qualités et les défauts que cela comprend) reste fondamentalement ancré dans ma quête d’une existence sincère bien qu’amère.

En découvrant son adaptation du « women in new-york » de Clare Boothe Luce, c’est tout mon enthousiasme de jeune femme s’interrogeant sur son devenir de femme de lettre qui refait surface …aujourd’hui contemplé avec une candeur acrimonieuse …tous les sens en éveil

>>> Merci aux libraires de la médiathèque de cette petite ville de province de m’avoir permis de découvrir tout le théâtre de Fassbinder <3 <3 <3

confinement obsessionnel #9

Der Mann ohne Eigenschaften, Robert Musil, première édition : 1943

Ajoutons que le plus heureux des modeleurs politiques de la réalité, hors de touts grandes exceptions, ont beaucoup de traits communs avec les auteurs de pièces à succès ; les intrigues vivantes qu’ils suscitent ennuient par leur manque d’intelligence et de nouveauté, mais, pour cette raison même nous plongent dans un état d’hébétude sans défense où nous nous accommodons de n’importe quoi, pourvu que cela nous change. Ainsi comprise, l’histoire naît de la routine des idées, de ce qu’il y a de plus indifférent en elles ; quant à la réalité, elle naît principalement de ce que l’on ne fait rien pour les idées.
Toutes ces considérations, affirma Ulrich, pouvaient se résumer ainsi : nous nous soucions trop peu de ce qui arrive, et beaucoup de trop de savoir quand, où et à qui c’est arrivé, de telle sorte que nous donnons de l’importance non pas à l’esprit des évènements, mais à leur fable, non pas à l’accession à une nouvelle vie, mais à la répartition de l’ancienne, reproduisant ainsi trait pour trait la différence qui existe entre les bonnes pièces et celles qui ont simplement réussi. La conclusion était qu’il fallait faire juste le contraire, c’est-à-dire, d’abord, renoncer à son avidité personnelle pour les évènements. Il fallait considérer ceux-ci un peu moins comme quelque chose de personnel et de concret et un peu plus comme quelque chose de général et d’abstrait, ou encore avec le même détachement que si ces évènements étaient peints ou chantés. Il fallait non pas les ramener à soi, mais les diriger vers l’extérieur et vers le haut. Ces remarques valaient pour l’individu ; mais dans la collectivité aussi devait se produire quelque chose qu’Ulrich ne pouvait exactement définir, et qu’il comparait à une sorte de pressurage, suivi d’encavage et d’épaississement de la liqueur intellectuelle, à défaut de quoi l’individu ne pourrait évidemment que se sentir tout à fait impuissant et livré à son bon plaisir. Pendant qu’il parlait ainsi, il se souvint de l’instant où il avait dit à Diotime qu’on devait abolir la réalité.